La France devrait-elle dérouler le tapis rouge pour les auteurs de violation des droits humains ?
La réponse de Stop Fuelling War aux ventes d’armes faisant suite à l’accueil de l’Égypte en France le 7 décembre 2020.
Le 7 décembre 2020, lors d’une visite officielle, le président français Macron a accueilli le chef de l’État égyptien Al-Sissi. Durant une conférence de presse Macron a déclaré que l’Égypte était un allié dans la lutte contre le terrorisme. Voici notre réponse :
Crédit photo : Marc Javierre Kohan, photojournaliste, Eurosatory
Le berceau des droits humains rejette les droits humains.
Emmanuel Macron revient sur sa déclaration de soutien aux droits de l’Homme en Égypte. Nous pouvons nous demander si cela est dû aux ventes d’armes qui ont cessé après sa déclaration en 2019. (a)
En effet, en janvier 2019, Macron avait déclaré « J’ai également fait part au président Sissi de ma ferme conviction […] que la stabilité et la paix durable vont de pair avec le respect des libertés de chacun, de la dignité de chacun et d’un État de droit. Et la recherche de stabilité, de sécurité qui nous anime dans le cadre de notre partenariat, que nous avions évoqué en octobre 2017 ensemble, ne saurait être dissocié de la question des droits de l’Homme . (b)
Lors de la visite d’État de décembre 2020 à Paris, Macron est revenu sur sa déclaration concernant les droits humains en déclarant : « Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense comme en matière économique à ces désaccords (sur les droits de l’Homme) […] car une telle politique affaiblirait le Caire dans la lutte contre le terrorisme ». (vs)
Il existe des preuves que le régime égyptien a utilisé des armes françaises contre des civils :
Dans un rapport publié en 2018, Amnesty International a démontré que des armes françaises étaient utilisées durant la répression civile en Égypte. La France a précédemment déclaré qu’elle ne pouvait pas contrôler la façon dont les armes sont utilisées mais qu’elle avait l’assurance que celles-ci sont utilisées à des fins militaires.
Selon le rapport d’Amnesty International : « dans les faits une partie des véhicules blindés a en réalité été livrée aux forces du ministère de l’Intérieur, ou détournée vers elles, ces mêmes forces de police chargées de la féroce répression des manifestions [de 2013] ». (d)
La guerre contre le terrorisme est une excuse : si vous voulez lutter contre le terrorisme, vous pouvez le faire sans mettre en péril le respect des droits de l’Homme – ces deux concepts sont compatibles.
Selon Harlem Désir, ancien secrétaire d’État français aux affaires européennes : « La menace terroriste est toujours présente dans nos pays. Ce serait une grave erreur de vouloir opposer la lutte contre le terrorisme d’une part à la défense des droits de l’Homme d’autre part, de laisser entendre qu’il faudrait choisir l’une aux dépends de l’autre » […] « Notre devoir est de faire les deux. Lutter contre le terrorisme avec la plus grande détermination, avec tous les moyens nécessaires, mais toujours avec les armes du droit, dans le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». (e)
Vendre plus d’armes n’est pas la solution pour résoudre le problème du terrorisme.
L’Égypte est un client majeur de la France, mais ces ventes assurent-elles la sécurité des personnes et du monde ?
Il existe des alternatives afin de résoudre ces problèmes, telle que proposé par l’organisation SaferWorld : « Des États en paix se construisent avec des sociétés solides, ce qui signifie un soutien constant aux défenseurs des droits de l’homme, aux acteurs politiques, religieux ou tribaux modérés, aux groupes de la société civile, aux voix communautaires et aux initiatives de développement local. La protection de l’espace civil doit donc être une priorité pour les décideurs militaires et diplomatiques ». (f)
La France considère t-elle le respect des droits humains comme un principe universel ou non ?
- S’il s’agit d’un droit universel, le gouvernement français doit intégrer des garanties dans ses accords d’exportation pour s’assurer que les équipements vendus ne seront pas réaffectés ou utilisés de manière contraire à l’usage initialement prévu.
- S'il ne s'agit pas d'un principe universel, dans quelles circonstances est-il acceptable de violer les principes des droits de l'Homme pour tous dans le pays importateur ? Le simple fait de le faire pour des profits court-termistes (l'exportation de marchandises) est, pour nous, un compromis inacceptable par rapport aux principes éthiques sur lesquels la République française s’est construite.
Il est également important pour nous de souligner que les mesures de sécurité actuelles de la "Défense" et des ventes d'armes ne nous protègent pas et, au contraire, augmentent l'insécurité pour les personnes du monde entier, et par conséquent, pour les défenseurs des droits humains en Égypte.
Références
a -http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b3581_rapport-information#_Toc256000138 - Annexe 1
c-https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/eggypt/emmanuel-macron-refuse-de-conditionner-aux-droits-de-l-homme-sa-cooperation-en-matiere-de-defense- with-egypt_4210471.html
d-https://www.amnesty.fr/controle-des-armes/actualites/france-eggypte-aux-armes-policiers-egyptiens